RÉFORMER LE MAMMOUTH… BIS RÉPÉTITA

Publié le par Raymond Faura

La baisse des résultats des élèves et la crise de vocation des enseignants sont davantage à mettre sur le compte d'une mauvaise gestion des professeurs que d'un excès ou d'un manque de moyens humains ou budgétaires, estime la Cour des comptes qui prône une «réforme d'ensemble». Le gouvernement Hollande réfute cette théorie tout en proposant une loi sur la refondation de l'école qui ne fait pas pour autant l’unanimité chez les syndicats d’enseignants. Cette stratégie visant à «caresser» le «mammouth» fonctionnera-t-elle ?

 

La Cour des comptes s'attaque au «mammouth» de l’Education Nationale

La suppression de 80 000 postes sous le précédent quinquennat ou la création prévue de 60 000 postes en cinq ans «sont vaines si elles se font à règles de gestion inchangées», juge la Cour des comptes dans son rapport, «Gérer les enseignants autrement».

La Cour, dirigée par le socialiste Didier Migaud, estime que «l'évolution du nombre d'enseignants est déconnectée de celle des élèves». Les effectifs des professeurs du secondaire n'ont pas cessé d'augmenter entre 1993 et 2005 alors que celui des élèves diminuait. «Chaque année, c'est le volume d'heures de cours et le souci d'assurer un débouché satisfaisant aux universités qui guident les décisions de recrutement», déplore Didier Migaud.

 

Améliorer la gestion des heures de travail

Pourtant, une «bonne gestion» constitue un enjeu primordial de maîtrise de la dépense publique: les enseignants pesaient près de 49,9 milliards d'euros en 2011, soit 17 % du budget de l'État. «Nous ne sommes pas contre des créations de postes quand elles sont justifiées. Le sujet est de regarder là où il y a des pertes en ligne», pointe Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, qui prend l'exemple des sorties scolaires: «Les professeurs qui n'accompagnent pas les élèves ont relâche et ne sont pas utilisés à autre chose, car le système ne le permet pas. Dans l'académie de Versailles, 1600 heures sont utilisées pour vérifier que l'ordinateur ne s'est pas trompé dans l'application du barème des décharges syndicales. Ce n'est peut-être pas le plus judicieux.»

 

Réenclencher l’ascenseur social

Plus inquiétant, en dépit du nombre d'enseignants, les résultats du système français sont inégalitaires et ses performances se dégradent. La part des élèves les plus faibles s'est accrue de 26 % en lecture et de 37 % en mathématiques entre 2000 et 2009. Le système français est un de ceux où le poids des origines socio-économiques pèse le plus sur les résultats.

 

Écart entre la réalité du métier d'enseignant et le statut

Le «temps de service» des enseignants n'est centré que sur les seules heures de cours, alors que la loi leur assigne d'autres missions: relations aux parents, travail en équipe, aide au travail personnel des élèves, orientation. Le temps qui y est consacré par les enseignants, très imparfaitement mesuré, n'est rémunéré que partiellement, à travers un système de décharges et d'heures supplémentaires. Cette organisation conduit à ne pas valoriser l'implication des enseignants. La Cour recommande d'élargir leurs obligations à l'ensemble des activités effectuées dans l'établissement, sous la forme d'un forfait annuel, la répartition de ce temps de service devant pouvoir être modulée en fonction des besoins locaux.

 

Un lycéen français coûte 31% de plus que la moyenne de l'OCDE

En cause, un temps d'instruction plus long, un nombre d'élèves par classe plus faible et la multiplication des matières, options et modules. La Cour prône une «indispensable rationalisation» car «l'éparpillement progressif de l'offre de formation au lycée, qui ne se constate nulle part ailleurs en Europe, a conduit à une augmentation des besoins d'enseignants et à un renchérissement progressif du coût du système scolaire». Elle propose également d'instituer la possibilité d'enseigner deux disciplines au collège: il existe 375 sections disciplinaires pour 272 matières enseignées. Cette «dispersion et la monovalence ont un coût», insiste la Cour, car les enseignants exerçant dans de petits établissements n'ont parfois pas un service complet, ce qui représente une perte d'un millier de postes.

 

Affecter les enseignants en fonction des postes

Par ailleurs, le système d'affectation automatique des enseignants «au barème» en fonction de différents critères (ancienneté, situation familiale) est «inadapté». Tous les postes sont considérés comme équivalents et tous les enseignants sont jugés également qualifiés. La Cour recommande de fonder le système sur une meilleure adéquation entre les exigences du poste et le profil des enseignants, sur la base d'entretiens entre les candidats et les chefs d'établissement.

 

Les meilleurs enseignants ne sont pas mieux payés

Les écarts de rémunération sont faibles et au détriment des meilleurs enseignants», dénonce la Cour. En cumul sur 40 ans de carrière, un enseignant qui progresserait toujours «au grand choix» - c'est-à-dire grâce à la bonne notation de ses supérieurs - percevrait 16,4 % de plus que celui qui progresserait uniquement «à l'ancienneté». En pratique, «cette différence est moindre et peu ressentie par les intéressés» car les cas théoriques extrêmes se rencontrent rarement et c’est finalement l’ancienneté qui prime. C'est en réalité le nombre d'enseignants qui rend le ministère réticent à mettre en œuvre des mesures de politique salariale. Depuis de nombreuses années, le choix implicite a ainsi été de privilégier le nombre d'enseignants sur le montant de leurs rémunérations… Dans le contexte actuel de redressement des comptes publics, la Cour a déjà eu l'occasion d'affirmer que seule une politique de réduction des effectifs était à même de fournir des marges de manœuvre salariales.

 

Les agrégés sont mieux payés et travaillent moins

La Cour s'attaque directement aux professeurs agrégés de l'enseignement secondaire qui doivent quinze heures de cours hebdomadaire -contre dix-huit pour les titulaires d'un Capes- et sont pourtant mieux payés. Il est inéquitable que des enseignants exerçant dans le même établissement, au même niveau scolaire et dans la même discipline aient un nombre d'heures de cours inférieur à d'autres au seul motif de leur corps de recrutement. Seules la nature des postes et les conditions locales d'exercice des fonctions devraient être prises en considération pour pouvoir moduler à la baisse le nombre d'heures de cours au sein du temps de service, estime-t-on à la Cour des comptes.

 

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Publié dans Réflexion de fond

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P
<br /> Bonsoir<br /> <br /> <br /> Les conditions de travail des enseignants ns sont pas fameuses .Lacour des comptes est comme d'habitude utlisée comme garantie d'une vérité ; la vérité n'est pas dépendante de chiffres mais d'une<br /> réflexion commune . Quelle est la finalité de l'école ? Quelle doit être sa fonction ?<br />
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R
<br /> <br /> Je suis entièrement d'accord avec vous. Il y a une remise en question à faire de la part des professeurs mais surtout de l'Etat et de son système.<br /> <br /> <br /> <br />